Les outils de mesure de la stigmatisation et de l’auto-stigmatisation.
Différentes échelles ont été élaborées et validées pour identifier, mesurer et caractériser la stigmatisation et la discrimination. Ces échelles ne mesurent pas, toutes, les mêmes paramètres.
Certaines d’entre elles apprécient l’existence et la sévérité éventuelle de la stigmatisation vécue, expérimentée :
Ainsi l’échelle DISC
(discrimination and Stigma scale) utilisée pour l’étude indigo a pour objet de décrire la nature, la direction (avantage, désavantage) et l’impact de la stigmatisation vécue/expérimentée ou de la stigmatisation évitée/anticipée et permet d’analyser la relation entre ces 2 niveaux.
Cette échelle, de type Likert, comporte 36 items. Les 32 premiers items sont cotés sur une échelle en 7 points tels que +3 correspond à fort avantage et -3, à fort désavantage. 0 correspondant à une absence de discrimination.
Pour chaque question, on retrouve la structure suivante : « Avez-vous déjà été traités différemment des autres personnes (dans telle ou telle situation) en raison de votre diagnostic de maladie mentale ».
On note que l’expression « Traité différemment » présente l’intérêt de recueillir des expériences de discriminations aussi bien négatives que positives, et que l’expression « en raison de votre diagnostic de maladie mentale » permet de s’assurer que la maladie mentale était bien la raison pour laquelle ils avaient été traités de façon différente.
Les 4 derniers items, cotés de 1 à 4 (pas du tout, un peu, modérément, beaucoup) mesurent à quels points les personnes limitent leur propre engagement dans des aspects importants de la vie quotidienne (travail, relations intimes etc..).
Ainsi la DISC est composée de 2 sous échelles qui génèrent 3 sous scores :
- celui des expériences de discriminations négatives
- celui des expériences de discriminations positives
- celui des situations de discriminations anticipées
La « stigma scale » ou échelle de KING (KSS)
est un outil standardisé élaborée à partir d’entretiens avec des usagers des dispositifs de soins en psychiatrie. Elle apporte une appréciation à la fois qualitative (exploration de domaines spécifiques) et quantitative par la mesure de la sévérité des conduites de discrimination agies ou ressenties.
Cette échelle, de type Likert, est composée de 28 items. Pour chaque item, le mode de réponse fait référence au niveau d’accord selon cinq points, depuis 0 « tout à fait d’accord » à 4 « pas du tout d’accord ».
Il s’agit d’un mode de réponse simple et largement utilisé, qui permet d’éviter les formats plus complexes tels que les échelles visuelles analogiques tout en reflétant fidèlement les expériences des participants.
King propose une structure à trois facteurs orthogonaux :
Le facteur « Discrimination » (13 items) fait référence aux réactions négatives auxquelles la personne est confrontée en raison de son trouble psychique : items 1, 2, 8, 9, 11, 13, 17, 18, 19, 20, 21, 22 et 26.
Le facteur « Divulgation » (10 items) reflète la réticence de la personne à parler ouvertement de ses troubles psychiques par crainte d’être discriminé : items 4, 5, 12, 14, 15, 16, 24, 25, 27 et 28.
Le facteur « Aspects positifs » (5 items) envisage les aspects possiblement positifs de la maladie sur la vie du patient : items 3, 6, 7, 10 et 23 (avec inversion de l’item 6).
Echelle de KING adaptée - proches
Une adaptation de la « stigma Scale » a récemment été conçue, testée et validée pour mesurer la stigmatisation par association (courtesy stigma) qui affecte les proches des personnes directement concernées par un trouble psychique et tout particulièrement les membres de leur famille (voir chapitre courtesy stigma).
L’adaptation de cet outil offre l’avantage d’être fermement ancrée dans les expériences des proches qui prodiguent un soutien permanent à la personne malade.
Dans cette version, la formulation de l’échelle de King « en raison de mes problèmes de santé mentale » a été remplacée par l’énoncé suivant « en raison des problèmes de santé mentale de mon proche ». La validation de cette adaptation de l’échelle (analyse factorielle exploratoire et analyse factorielle confirmatoire) a été satisfaisante et cette échelle a permis l’exploitation des résultats issus d’une enquête en ligne portant sur 3 650 réponses d’adhérents à l’association UNAFAM sur la question de la stigmatisation par association.
La King Stigma Scale - Short (KSS-S).
L’échelle de King (élaborée en 2007) a été traduite en français et validée par S. Morandi et l’équipe de Lausanne (en 2013) qui ont secondairement proposé une version abrégée à 9 items : la KSS-S (King stigma scale - short).
Réduit à 9 items, ce questionnaire d’auto évaluation à la même structure à 3 facteurs que la version originale.
Les participants indiquent dans quelle mesure ils sont en accord ou en désaccord avec chacun des 9 énoncés sur une échelle de type Likert à 5 points.
Parmi les échelles mesurant la stigmatisation vécue, expérimentée, citons encore :
La Perceveid Dévaluation and Discrimination (PDDQ) , questionnaire portant sur la dévalorisation et la discrimination perçue. Link (1987) a développé ce questionnaire afin de pouvoir évaluer dans quelle mesure les personnes étaient conscientes ( ou pas) des stéréotypes relatifs à la maladie mentale.
L’Inventaire des expériences de stigmatisation (ISE) , et l’échelle Attitudes to mental illness (notamment utilisée à l’occasion de la campagne Time to Change).
Le questionnaire AMIQ est un instrument d’autoévaluation qui présente de bonnes propriétés psychométriques et une bonne stabilité test-re test. Il fait appel a des vignettes cliniques qui vont susciter des attitudes que la personne aurait vis-à-vis des malades mentaux jusqu’aux services qui leurs sont destinés. Les déclarations d’attitudes sont mesurées selon 2 aspects : préjugés – exclusion et tolérance – soutien.
La mesure de l'auto stigmatisation
La recherche d’instruments permettant de mesurer l’auto stigmatisation repose sur l’hypothèse que la stigmatisation internalisée est associée à des cognitions mal adaptées et des attentes d’échecs. Elles sont en lien avec des attitudes dysfonctionnelles. À ce jour les échelles d’évaluation de l’auto stigmatisation sont peu nombreuses. Il n’existait jusqu’à peu que quelques échelles d’estime de soi en version française validée (échelle d’estime de soi de Rosenberg, échelle de type Likert, en 4 points, composée de 10 items).
Nous disposons à présent d’outils comme :
L’échelle ISMI
(internalized stigma of mental illness) développé par Ritsher (2003) à Stanford aux états unis auprès de 127 patients recrutés dans un centre accueillant, en ambulatoire, des personnes atteintes de diverses maladies mentales. Elle a été traduite en français par Robillard (2007). Il s’agit d’un auto-questionnaire de type Likert (en 4 points) qui comporte 29 items et se subdivise en 5 sous échelles qui rendent compte :
- Du niveau d’aliénation (expérience subjective de ne pas se sentir pleinement intégré dans la société ou d’avoir une « identité altérée ») – 6 items.
- Du niveau d’approbation des stéréotypes (degré d’acceptation des principaux stéréotypes associés à la maladie mentale) – 7 items.
- De la sévérité du retrait social (conséquences sociales de la stigmatisation ressentie) – 6 items.
- De la discrimination perçue (idées sur la façon dont le patient est perçu par les autres) – 5 items
- De la capacité de résistance au processus de stigmatisation - 5 items (avec une cotation inversée).
Les personnes doivent répondre, pour chacune des questions par un score de 1 « pas du tout d’accord », 2 « pas d’accord », 3 « d’accord » ou 4 « tout à fait d’accord ». Le score total reflète ainsi le niveau d’auto stigmatisation de sorte que plus le score est élevé et plus l’auto- stigmatisation est forte.
Pour cette échelle, il existerait 55 versions dont 47 seraient disponibles (depuis l’Arabe, l’Arménien, le Bengali, le Bulgare, le Chinois, le Croate, le Néerlandais, l’Anglais (USA, Afrique du sud), le Finois, le Français, l’Allemand, le Grec, l’Hébreu, le Japonais le Coréen, le Portugais).
L’échelle d’auto stigmatisation SSMI (self stigma of mental illness) :
La SSMI comporte 40 items organisés selon une échelle de type Likert. La version originale a été évaluée auprès de 60 personnes atteintes d’un trouble mental.
Cette échelle, dont les études de validation ont montré une bonne consistance interne et de bonnes qualités psychométriques, a été conçue comme un modèle progressif répondant à la théorie de Corrigan au sujet de l’auto stigmatisation.
Ainsi, on distingue 4 facteurs comprenant chacun 10 items :
- La conscience des stéréotypes
- L’accord avec les stéréotypes
- L’appropriation des stéréotypes
- L’influence négative sur l’estime de soi
Parmi les critiques soulevées par cet outil, on retient, tout particulièrement, sa longueur et le fait qu'elle contient des items jugés offensants.
Une version abrégée : SSMI – SF (self stigma mental illness – short form) a été développée par Corrigan. Elle se limite à 20 items avec la suppression, à l’aide d’un focus groupe d’usagers, des éléments jugés offensants par ces derniers.
La PASS – 24
(Paradox of Self Stigma Scale) est composée de 24 items repartis selon 3 sous échelles :
- L’approbation des stéréotypes
- L’expression d’une juste colère (le paradoxe)
- La réticence à la divulgation
Cet outil, développé en collaboration avec des usagers de la psychiatrie (202 patients) et qui présente de bonnes propriétés psychométriques, est conçue comme une échelle de type Likert en 5 points depuis 1 « fortement en désaccord » jusqu’à 5 « fortement en accord »
La Self Stigma Scale – Short – SSS-S
(élaborée par l’équipe de Lausanne : Golay, Morandi, Favrod) est constituée de 9 items et de 3 sous échelles (dimensions issues du modèle : affect – cognition – comportement) permettant d’obtenir :
- Un score cognition (perception négative de soi, sentiment d’incompétence marqués par une baisse de l’estime de soi et du sentiment d’auto-efficacité).
- Un score affect (sentiments de honte et de découragement).
- Un score comportement (autodénigrement et retrait social).
Les participants sont invités à indiquer s’ils sont en accord ou en désaccord avec chacun des énoncés sur une échelle Likert en 5 points. Des scores élevés traduisent des niveaux d’auto stigmatisation élevés.
Cette échelle évalue à quel point le fait d’être une personne malade a une influence sur l’identité de la personne, sur ses émotions, sur son comportement. Sa validation, menée auprès de patients psychiatriques a montré, au-delà de ses bonnes qualités psychométriques, qu’elle présentait l’avantage d’être rapidement complétée et constituait, ainsi, une bonne alternative ou un complément utile à d’autre échelles.
L’échelle IMS
(Identity management stratégies), développée par M. Ilic (Bielefeld), évalue les stratégies d’adaptation (coping) dans différentes situations de stigmatisation.
Sur la base des réponses de 355 personnes atteintes de maladies mentales, ce questionnaire vise à identifier les stratégies efficaces pour prévenir les effets néfastes de la stigmatisation sur le bien être des personnes qui vivent avec un trouble psychique. Les participants ont pu faire état de leur expériences personnelles en matière de stigmatisation, de dépression et d’estime de soi.
Cette échelle comporte 10 items qui, chacun, se décline en 3 questions avec des réponses de type Likert (totalement faux, plutôt faux, ni vrai ni faux, plutôt vrai, totalement vrai).
Pour chaque item, 3 stratégies (axées sur les problèmes et axées sur l’émotion) sont abordées :
- Le secret : tentative active de maintenir le secret.
- La divulgation sélective : uniquement aux personnes dignes de confiance.
- Le retrait : évitement de ceux qui ont des attitudes stigmatisantes
L’échelle BACE
(barrièrs to Access to Care évaluation scale) de S. Clément (traduite et validée en Français - 2022) qui permet de mesurer les obstacles structurels et comportementaux, liée à la stigmatisation, susceptible de gêner ou de retarder l’accès aux soins. Il s’agit d’un outil d’évaluation initiale et néanmoins complet des obstacles à l’accès aux soins. Il se présente sous la forme d’une échelle de type Likert comportant 30 items avec 4 possibilités de réponses.
La BACE-V3 a été construite à partir d’items recensés lors d’une revue systématique de 23 études sur les barrières d’accès aux soins. Les items similaires ont été regroupés, certains ont été réécrits, d’autre, enfin, ont été ajoutés pour couvrir des champs inexplorés jusqu’alors. Le format de réponses est une échelle à quatre niveaux à la question énoncée de la façon suivante « Est-ce qu’une de ces explique que vous ayez renoncé ou retardé à obtenir ou à poursuivre un soin par un professionnel pour un problème de santé mentale ». La BACE comporte une sous échelle « treatment stigma » qui regroupe les items en lien avec la stigmatisation (items 3, 8, 9, 12, 14, 17, 19, 21, 24, 26 et 28)
La validation en langue Française de la BACE – V3 a été réalisée à partir d’un échantillon de 127 patients suivis en CMP et avec comme outils de référence l’ISMI et l’IMS. Cette étude a confirmé une bonne validité de structure et de contenu.
Citons enfin l’échelle de résistance à l’auto stigmatisation
« Stigma résistance scale » de Firmin (2017) récemment validée dans sa version française. Cette échelle est constituée de 20 items répartis en 5 sous échelles, mesurant la résistance à la stigmatisation à différents niveaux (différenciation entre soi et les autres -3 items, identité personnelle – 4 items, cognitions personnelles – 3 items, résistance à la stigmatisation des pairs –5 items et résistance à la stigmatisation publique -5 items) selon le niveau d’accord ou de désaccord. Plus le score est élevé, plus la résistance est grande.
Sa validation dans sa version française a amené à tester ses qualités psychométriques, chez 59 patients, avec le concours d’auto questionnaires tels que l’ISMI, l’auto évaluation des symptômes négatifs (Dolfus), la Birchwood insight scale, l’échelle d’insight cognitif et le questionnaire de qualité de vie SQoL.
Tous ces outils sont de nature à favoriser le partage de connaissances et la mesure de la sévérité de la stigmatisation vécue et anticipée.
L’utilisation en pratique courante de ces instruments de mesure pourrait encourager les cliniciens à intégrer la réduction de la stigmatisation parmi leurs objectifs de prise en charge thérapeutique.
Les outils de mesure de la stigmatisation et de l’auto-stigmatisation.
Date de modification : 27 septembre 2024