L’étude internationale INDIGO et ses apports.

Cette étude ouvre un nouveau champ de recherche permettant de caractériser la discrimination s’exerçant en santé mentale.

L’étude indigo a pour objet de décrire la nature, la direction (avantage- désavantage) et la sévérité de la stigmatisation vécue, expérimentée et de la stigmatisation évitée, anticipée rapportées par des sujets atteints de schizophrénie, une des maladies psychiques les plus stigmatisées ainsi que la relation pouvant exister entre ces deux concepts.

Méthode :

Il s’agit d’une étude multicentrique internationale naturalistique, observationnelle.

Vingt-huit sites d’études répartis dans vingt-sept pays ont participé à cette recherche.

Le réseau indigo a été constitué par des partenaires membres de la WPA et notamment les centres affiliés engagés dans le programme mondial de lutte contre la stigmatisation et la discrimination dûes à la schizophrénie. Ainsi que par des centres associés actifs dans la lutte contre la stigmatisation et la discrimination venus rejoindre le groupe de la WPA.

Chaque site était en charge d’inclure vingt-cinq participants, « selon eux, raisonnablement représentatifs des situations que rencontrent habituellement les patients schizophrènes ».

Il s’agissait de :

  • Patients hospitalisés
  • Patients pris en charge en centre de jour
  • Patients suivis en consultations externes.

Au total sept cent trente-deux patients ayant fait l’objet d’un diagnostic de schizophrénie ont été inclus.

Chaque patient a donné un consentement éclairé et écrit et l’étude a été approuvée par les différents comités d’éthique propres à chaque site.

L’étude est délibérément centrée sur les témoignages directs de discrimination rapportés par des sujets atteints de schizophrénie. Pour des raisons pratiques, éthiques et méthodologiques n’ont été inclues que des personnes en contact avec les services de soins. En effet les informations sont, évidement, plus faciles à obtenir auprès des usagers des services de soins par rapport à ceux qui échappent aux soins et cela peut conduire directement à des recommandations pour modifier les services et les politiques de santé.

Des entretiens directs menés auprès d’usagers ont permis d’obtenir des témoignages portant à la fois sur la discrimination qu’ils avaient réellement expérimentée plutôt que de faire appel à des scénarii ou des vignettes hypothétiques telles que celles utilisées dans les échelles d’attitude, ainsi que des situations concernant la discrimination anticipée qui pourrait également avoir de profondes conséquences.

Analyse des résultats :

Au sujet du profil global de la discrimination expérimentée pour l’ensemble des vingt-sept pays, toutes les réponses positives ont été regroupées entre elles et toutes les réponses négatives ont également été agrégées.

Les situations de discriminations négatives vécues, expérimentées, les plus fréquentes sont : (par ordre décroissant)

  • se faire ou conserver des amis
  • être rejeté par les proches (famille- voisins)
  • conserver un emploi
  • trouver un emploi
  • relations intimes et sexuelles

Les discriminations positives expérimentées – vécues sont :

  • être traité différemment par sa famille
  • obtention de pension d’invalidité, d’allocation, d’aide sociale
  • accès à un logement
  • la prise en charge financière des soins médicaux

Néanmoins la discrimination positive vécue est rare (rapportée par moins de 10 % des personnes enquêtées) et dans la mesure où ces expériences sont peu rapportées, l’analyse s’est essentiellement focalisée sur la discrimination vécue négative.

Ainsi pour chaque patient les réponses de discrimination positive ont été abandonnées.

Les réponses de discriminations vécues négatives ont été agrégées en combinant pour chaque item les réponses désavantage (léger, modéré, fort) selon un système binaire : zéro absent, 1 présent (quel que soit la sévérité) générant ainsi un score pouvant aller de 0 à 32.

Sur le tableau la barre du milieu représente la moyenne par pays et l’étendue de la case illustre l’étendue des réponses par pays. Les moyennes par pays vont de 3,4 (Espagne) jusqu’à 7,9 (Brésil) avec une moyenne des moyennes à 5,6.

La discrimination anticipée :

Le tableau suivant illustre la ventilation des réponses en fonction de chaque pays participant à partir des items relatifs aux 4 domaines sélectionnés.

Le score moyen par pays 1,9 (Lituanie) à 2,9 (Turquie) avec une moyenne globale de 2,4.

Ainsi on observe que si la discrimination vécue et anticipée existe dans tous les pays, il y a une différence de niveau entre les différents pays participant à l’enquête. Les écarts entre les pays étant statistiquement significatifs.

L’étape suivante de l’analyse a consisté à explorer les relations entre discrimination vécue et discrimination anticipée en prenant en compte les 4 combinaisons possibles concernant le travail et les relations intimes.

De cette étude, il ressort que les sujets atteints de schizophrénie expérimentent le plus souvent de la discrimination négative pour la recherche et la conservation d’amis, le rejet de la part des membres de leur famille, la recherche et la conservation d’un emploi et enfin au niveau des relations intimes et sexuelles.

Les expériences de discrimination positive sont rares, le plus fréquemment dans les relations avec la famille et l’obtention de certains avantages.

Enfin la discrimination anticipée vis-à-vis de la recherche d’emploi et des relations personnelles proches est plus fréquente que la discrimination réellement expérimentée dans ces domaines.

Les taux de discrimination vécue sont élevés et homogènes dans tous les pays et légèrement plus de la moitié des participants ont anticipé une discrimination qu’ils n’avaient pas expérimenté.

Ces résultats indiquent l’importance d’inclure dans nos stratégies de réduction de la stigmatisation des méthodes visant à accroître l’estime de soi des personnes malades mentales. Cet aspect pourrait avoir d’importantes implications pour la formation des employeurs au sujet de la maladie mentale.

Les limites de l’étude INDIGO :

Les limites de cette étude résident dans le fait que la sélection de l’échantillon de patients consiste en des individus actuellement en traitement plutôt qu’en des cas prévalents.

Les patients faisaient l’objet d’un traitement et d’une prise en charge et ce critère a été utilisé pour étudier la relation existante entre la durée du traitement et les expériences de discrimination.

Mais les expériences de discrimination survenue tout au long de la vie ont été enregistrées sans que ne soit précisé quand ces événements avaient eu lieu.

La cotation ignore l’intensité des expériences puisque les expériences ont été sommées (légères, modérées ou sévères). La raison majeure, de combiner les scores était de donner une vue d’ensemble générale des expériences rapportées. Les scores moyens par patients peuvent uniquement être interprétés dans le contexte d’expériences très spécifiques puisque certains items avaient un niveau élevé de réponses non exploitables.

Enfin n’ont pas été évalué d’autres raisons possibles pouvant conduire à la discrimination de certains individus. Par exemple en lien avec l’âge, le sexe, l’origine ethnique, qui peuvent être considérées comme des sources non modifiables de discrimination alors que la maladie mentale est curable.

Date de modification : 27 septembre 2024

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