La recherche

2024

Les travaux concernant la stigmatisation dans le domaine de la santé mentale se sont particulièrement développés à compter des années 50 sous l’impulsion de l’école de psychosociologie de Chicago. En effet, à la suite de l’ouvrage de Goffman : « Notes on the management of spolied Identity », on note une profusion d’études sur la nature, l’origine et les conséquences du stigmate (en particulier dans les domaines de la psychologie sociale et de la sociologie cognitive).

La recherche a essentiellement été menée dans 2 directions : 

  • La compréhension du processus même de stigmatisation (voir chapitre : les racines de la stigmatisation)
  • Les aspects cliniques et tout particulièrement l’étude des effets de la stigmatisation.

Dans un premier temps, ces travaux s’inscrivent, essentiellement, dans le champ de l’observation et du témoignage : 

  • Star (6), avec une étude d’opinion en population américaine ; 
  • Cumming (7), avec une enquête menée dans une petite ville du Canada ou encore Nunally (8) avec un travail similaire dans l’Illinois ont mis en évidence les attitudes de la population vis-à-vis des malades mentaux et les conséquences de ces attitudes.

Une étude menée par Lamy (9) montre, par exemple, que les malades psychiques rencontraient plus de difficultés que d’anciens détenus dans leur effort de réinsertion.

Ces recherches confirment la forte méconnaissance du grand public au sujet des différents troubles mentaux et révèlent des opinions très péjoratives à propos de ce type de malades (incurables, violents, dangereux).

Cockerhman (10), 20 ans plus tard, reprenant une méthodologie semblable, montre que si les connaissances des maladies psychiques se sont nettement améliorées avec le temps et les efforts d’information du grand public mais les préjugés négatifs conservent la même force et contribuent toujours à entraver les possibilités de rétablissement des malades.

De ces différentes études, ressort, avec insistance, le lien direct et étroit entre stigmatisation et représentations sociales. Les représentations sociales sont des idées reçues, transmises de génération en génération et que chacun a pu s’approprier. Elles sont partagées par tout un groupe social et servent de grille explicative pour chaque situation avec une valeur prédictive. Ces représentations sociales vont déterminer les attitudes et comportements des membres du groupe.

Ainsi, c’est tout naturellement, que dans un premier temps, les études portant sur la stigmatisation se sont penchées sur la question des représentations sociales véhiculées par le grand public.

Au début des années 2000, Crisp (11) a mené un travail visant à recueillir les idées reçues du grand public en pondérant les stigmates de 7 types de troubles psychiques.

Puis l’enquête « santé mentale en population générale : images et réalités » menée dans de nombreux sites par le centre collaborateur de l’organisation mondiale de la santé a exploré dans son volet socio anthropologique les représentations sociales du fou, du malade mental, du dépressif ainsi que les opinions concernant les modes d’aide et de soins (Roelandt 2010).

Toujours dans ce domaine, en France, une série d’enquêtes (enquête Fondamental – Ipsos – Klésia - 2014 ; enquête fondation Deniker – Ipsos – 2016) ont mis en évidence la faible acceptation sociale des personnes présentant un trouble psychique « les Français gênés à l’idée de partager leur intimité avec des personnes atteintes de maladies mentale » ; « des réserves sur la capacité à s’intégrer en société » avec une tolérance décroissante depuis les troubles autistiques et les troubles bipolaires jusqu’à la schizophrénie.

Retenons de ces nombreuses études leurs résultats homogènes ( il n’y a pas de culture, de société ou les malades psychiques sont traités à l’égal des autres), mais, à ce stade, les recherches sur la stigmatisation semblaient présenter certaines limites puisque les enquêtes d’opinions en population générale étaient essentiellement descriptives et portaient essentiellement sur les attitudes que les personnes questionnées penseraient avoir si elles étaient confrontées à telle ou telle situation (situations imaginaires, hypothétiques) ou plus précisément ce qu’elles imaginent qu’elles feraient dans ce type de situation.

Ces recherches traitaient donc d’attitudes dans des situations virtuelles et ne prenaient pas en compte les émotions, les sentiments, le contexte.

Ainsi la question de la stigmatisation n’était pas abordée directement et au final ces travaux ne fournissaient pas de réponse claire sur la façon dont il serait possible d’intervenir pour prévenir le rejet social.

Face à ce constat l’association mondiale de psychiatrie (WPA- N. Sartorius) a préconisé de conduire ces travaux à partir du vécu même des personnes confrontées à la stigmatisation et non pas à partir d’hypothèses théoriques ou à partir des représentations des autres membres de la société.

Dans cette perspective l’étude INDIGO (international study of discrimination and Stigma outcome) (14) a ouvert une nouvelle voie de recherche en s’intéressant au point de vue des personnes directement concernées par la maladie et par le rejet social (personnes ayant fait l’objet d’un diagnostic de schizophrénie).

Date de modification : 28 mars 2024

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