Conséquences de la stigmatisation
Link et Phelan insistent sur les principales conséquences négatives de la stigmatisation. Ils retiennent en particulier :
- La perte du statut social, avec une baisse du placement dans la hiérarchie des statuts.
- L’effets de la discrimination structurelle : « not in my back yard » (NIMBY – pas dans mon jardin).
- Les effets délétères de l’effort des gens pour faire face au stigmate : effort d’adaptation qui induit un coût important.
Sous l’effet de la stigmatisation, la personne est défavorisée, de façon persistante, dans un grand nombre de domaines de sa vie et ses réponses amènent à des effets négatifs (« préjudices concomitants ») liés à l’évitement ou au stress important pour faire face.
Les données probantes concernant les conséquences de la stigmatisation et de la discrimination (à partir de 1615 publications internationales) mettent en évidence des discriminations dans l’environnement proche (réactions négatives des familles et envers les familles, taux élevé d’itinérance, problèmes de voisinage et d’accès au logement) ; des discriminations en matière d’amitié, d’intimité et de parentalité avec risque d’isolement social ; des discriminations au travail (faible taux d’embauches, plus faible rémunération, peu de perspectives de promotion).
L’étude internationale INDIGO, menée dans 27 pays et concernant 732 personnes ayant reçu un diagnostic de schizophrénie et répondant au questionnaire DISC, montre que :
Les situations de discriminations négatives vécues les plus fréquentes sont : (par ordre décroissant)
- se faire ou conserver des amis
- être rejeté par les proches (famille- voisins)
- conserver un emploi
- trouver un emploi
- les relations intimes et sexuelles
Les discriminations positives expérimentées – vécues sont :
- être traité différemment par sa famille
- l’obtention de pension d’invalidité, d’allocation, d’aide sociale
- l’accès à un logement
- la prise en charge financière des soins médicaux
Néanmoins la discrimination positive vécue est rare (rapportée par moins de 10 % des personnes enquêtées).
Par ailleurs, une recherche portant sur des données probantes de la stigmatisation menée par l’association Canadienne de santé mentale, retient que :
Au sujet des soins :
- Environ 22 % des situations de stigmatisation rapportées par les usagers ou leur famille sont vécues lors de contacts avec les professionnels de santé.
- Environ 50 % des cliniciens n’informent pas leurs patients du diagnostic, et parmi ceux qui le font, 15 % utilisent des termes vagues et évitent le mot schizophrénie.
- Seulement, 2 % des professionnels de santé mentale ont confiance en la possibilité d’une rémission complète.
- 42 % des personnes aux prises avec un problème de santé mentale ne l’ont pas dit à leur famille de peur d’être jugées.
Avec l’environnement :
- la majorité des personnes enquêtées disent qu’il serait improbable qu’elles établissent une relation conjugale avec une personne atteinte d’une maladie mentale (55 %).
Pour le travail :
- la majorité des personnes enquêtées disent qu’elles n’embaucheraient pas une personne ayant des antécédents de maladie mentale pour un poste ayant des responsabilités importantes (59 %).
Le tiers des personnes atteintes d’une maladie mentale disent s’être fait conseiller d’accepter des emplois subalternes, très inférieurs à leur degré de scolarité, à leur niveau d’intelligence et à leur formation.
De 80 à 90 % des personnes vivant avec une maladie mentale grave sont sans emploi, même si la plupart veulent travailler
En termes de conséquences de la stigmatisation, Il convient d’évoquer, tout particulièrement, deux aspects :
- D’une part l’accès aux soins pour des problèmes de santé mentale. Une étude de l’institut de santé publique du Québec montre que les préjugés entourant la maladie mentale incitent près de 2/3 des personnes atteintes de maladies mentales à ne pas chercher l’aide dont elles ont tant besoin. De même, un travail de P. Mc Gorry montre que seulement 35 % des personnes atteintes de troubles mentaux vont consulter un professionnel de santé « Même là où les services de soins existent et sont accessibles », ce qui contribue à un allongement du délai de recours aux soins, une augmentation des arrêts de traitement et une diminution de l’adhésion au traitement.
- D’autre part la prise en charge des problèmes de santé physique. Les personnes ayant des problèmes de santé mentale sont habituellement moins investiguées, moins souvent traités ou reçoivent des traitements moins invasifs. Cette conséquence de la stigmatisation est à mettre en lien avec le constat de la réduction de l’espérance de vie (de l’ordre de 15 à 20 ans) et la mortalité prématurée des personnes vivant avec une maladie psychique (4 fois supérieure à la population générale).
Articles
- CACI hervé, BOGGERO Martine, MALLET Laurent, BEDIRA Nabil, GIORDANA Jean Yves, Les barrières à l’accès aux soins : validation de la BACE-3 française, L'Encéphale, Vol 48, n°4, 2022
- GIORDANA Jean Yves, Stigmatisation et auto-stigmatisation des patients atteints de pathologies psychiatriques comme obstacles aux soins somatiques, Pratiques en santé mentale, 2013, pp. 41-44
- BRIGNON Béatrice, GIORDANA Jean Yves, Optimiser le séjour des patients atteints de pathologie psychique en médecine et chirurgie, 2016
- GIORDANA Jean Yves, La schizophrénie : une maladie stigmatisante ? Sa représentation dans la population générale, 2019
Date de modification : 24 septembre 2024