Stigmatisation en santé mentale
CODES 06 - PTSM 06 - 2024
PTSM et stigmatisation
L’élaboration du projet territorial de santé mentale des Alpes-Maritimes , en référence au cadre législatif et réglementaire national et régional et dans sa volonté d’adapter, à l’initiative des acteurs locaux, la politique de santé mentale du territoire a été mené selon une méthodologie rigoureuse.
Ainsi, à partir d’un diagnostic territorial établi en collaboration avec le service de santé publique du CHU de Nice, des priorités d’actions ont été identifiées puis planifiées jusqu’à leur mise en œuvre
Au-delà de la constitution et de l’animation des groupes de travail thématiques et du recensement des constats transversaux, la mission du CODES a consisté à l’accompagnement méthodologique des porteurs de projets pour la rédaction de leur fiche-action ainsi qu’une aide à la planification, la mise en œuvre et à l’identification des critères d’évaluation les plus pertinents.
Dans cet accompagnement, un certain nombre d’aspects essentiels ont guidé et continue de dicter notre action :
- Les projets doivent s’inscrire dans une démarche de démocratie sanitaire avec une volonté affirmée d’instaurer, au travers d’échanges, de partage, de dialogue, une approche partenariale, transversale, multisectorielle. Il s’agit d’une démarche ascendante avec, comme point de départ, la prise en compte des besoins et des constats des acteurs du territoire.
- Les projets doivent être marqués par une volonté d’inclusion sociale et de reconnaissance de la citoyenneté des personnes avec une attention particulière portée aux actions orientées vers le rétablissement, vers les soins de réhabilitation psychosociale et visant, au final, à ce que la personne retrouve sa capacité d’agir et reprenne le contrôle de sa vie (concept d’empowerment).
- Prenant en compte le constat unanime d’un trop grand cloisonnement entre les secteurs d’activité et entre les différents intervenants, nous avons toujours encouragé les équipes à ne pas se focaliser sur la notion de structures mais plutôt d’envisager leur action sous la forme de services au sens de prestations (approche transversale, multisectorielle) avec la volonté de répondre aux attentes d’inclusion sociale et de participation à la vie communautaire, d’accessibilité, de disponibilité, de réactivité et de mobilité.
- Mais peut-être, l’objectif majeur de notre démarche répond à la volonté de modifier le regard porté sur les personnes vulnérables au plan psychique et à la lutte contre toute forme de stigmatisation et de discrimination dont elles sont fréquemment victimes.
L’OMS considère la lutte contre la stigmatisation comme un enjeu majeur de santé publique et fait de cette action le « fondement de la psychiatrie moderne ».
Nous pouvons évoquer deux conséquences directes de notre action :
- Le souci permanent de s’opposer au déni des droits légitimes, des droits fondamentaux des usagers et de leurs proches.
- La reconnaissance de leurs compétences au travers de l’acquisition d’un savoir expérientiel par leur parcours singulier les menant, parfois, jusqu’au rétablissement.
Le dossier thématique qui vous est présenté fait le point sur l’état actuel des connaissances dans ce domaine.
Connaissances actuelles au sujet de la stigmatisation en santé mentale.
Dans le champ de la santé mentale, des situations extrêmement fréquentes témoignent du fait que les personnes en lien avec le dispositif de soins psychiatrique expérimentent, éprouvent et doivent faire face à un phénomène de stigmatisation.
Le domaine de la santé mentale et de la psychiatrie a évolué et continue d’évoluer de façon importante ces dernières années. Les priorités identifiées sont précisées dans la feuille de route santé mentale et psychiatrie (2018), secondairement enrichie par les travaux des assises de la santé mentale et de la psychiatrie (septembre 2021) puis par ceux du sommet mondial de la santé mentale qui s’est tenue à Paris en octobre 2021.
La feuille de route santé mentale et psychiatrie se décline selon 3 axes :
- La promotion du bien-être mental, la prévention et le repérage précoce de la souffrance psychique, la prévention du suicide.
- L’organisation de parcours de soins coordonnés soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifié et de qualité.
- Le handicap psychique, la vie sociale et la citoyenneté.
Dans l’axe 1, il est rappelé que la lutte contre la stigmatisation des troubles psychiques est un fort enjeu de santé publique et qu’il est par conséquent indispensable de promouvoir, de manière volontariste, des actions de lutte contre la stigmatisation conformes aux recommandations issues d’évaluations internationales.
La stigmatisation est un problème central qui affecte la vie des personnes qui présentent un trouble psychique. Elle est à l’origine de nombreuses conséquences sur leur qualité de vie ainsi que sur la prise en charge de leur maladie.
De nombreuses études ont montré que la stigmatisation et l’auto stigmatisation étaient de nature à réduire la motivation pour la recherche d’aide et pour l’accès aux soins et ainsi constituaient un frein au processus de rétablissement des personnes qui présentent un trouble psychique.
Auteur de nombreux travaux, Corrigan évoque : « une diminution des chances de guérison » et l’association Canadienne pour la santé mentale parle de « l’obstacle actuel majeur à l’amélioration du traitement des maladies mentales ».
De plus, la stigmatisation est appréhendée comme « un attribut profondément invalidant » qui bien souvent prive les malades de leur dignité.
Ces constats ont amené Finzen à caractériser ce phénomène de deuxième maladie « une souffrance qui se rajoute à la souffrance de la maladie » » et très souvent les malades, eux-mêmes, décrivent la stigmatisation comme « pire que la maladie » dont ils souffrent.
Le regard péjoratif que la société porte sur les personnes vivant avec une maladie psychique et l’internalisation et l’application à soi par ces dernières des préjugés négatifs contribuent indéniablement à diminuer leur motivation à la recherche d’une aide, à réduire leur adhésion aux soins pourtant nécessaires et à l’altération de leur qualité de vie en leur imposant en de très nombreuses circonstances de se limiter dans des activités importantes pour elles-mêmes.
La stigmatisation est fondée sur la perception d’attributs, de stéréotypes, qui amènent à considérer la personne comme différentes de la norme. Ce concept a été développé par l’école de psychosociologie de Chicago (Bremer, Becker, Goffman) au travers de leurs études sur « l’interactionnisme social ». Ils appréhendent le « stigmate » comme une évaluation négative d’une personne basée sur un attribut considéré comme différent de la norme (concept de déviance).
Dans son ouvrage « Stigmate » (1963) Goffman conceptualise le « discrédit » comme une contradiction entre deux entités, l’identité sociale virtuelle et l’identité sociale réelle. Il met l’accent sur une différence visible et connue. Cette différence peut concerner un signe extérieur (handicap physique) « monstruosité du corps », un comportement lié à un trouble psychique ou un abus de substances « tare de caractère », ou enfin une particularité culturelle, ethnique, religieuse ou de nationalité « tare tribale ».
L’organisation mondiale de la santé a classé la stigmatisation comme « l’obstacle le plus important à surmonter dans la communauté » et a fait de la lutte contre la stigmatisation : « Le fondement de la psychiatrie moderne ».
Ainsi pour l’OMS, la lutte contre la stigmatisation et la protection des droits des usagers en santé mentale sont de vraies priorités mondiales de santé publique.
Bien entendu la stigmatisation ne se limite pas au seul domaine de la santé mentale mais les personnes qui présentent un trouble psychique sont parmi les plus stigmatisées.
Il est à noter que ce phénomène se manifeste à plusieurs niveaux : De fait, il impacte le niveau sociétal (exclusion de la vie publique, limitation à la participation citoyenne) ; mais aussi le niveau interpersonnel (mise à distance, exclusion, ségrégation) ; ou encore le niveau de la personne stigmatisée elle-même (stigmatisation internalisée ou auto stigmatisation).
De plus, fréquemment, la stigmatisation s’étend aux membres de l’entourage des personnes qui présentent un trouble psychique. Ce phénomène de « courtesy Stigma » (stigmatisation par association) est tel que, comme l’évoque E. Goffman : « les problèmes rencontrés par la personne stigmatisée se propagent par vagues d’intensité décroissantes parmi ceux avec qui elle entre en contact ».
La stigmatisation des malades psychiques est actuellement une préoccupation croissante, ce qui se traduit par une forte augmentation des ouvrages et articles scientifiques traitant de ce sujet et cela dans les mêmes proportions que les travaux concernant le rétablissement et la réhabilitation psychosociale.
Conclusion
Ainsi si la stigmatisation et l’auto stigmatisation sont des barrières majeure au rétablissement et contribuent à limiter le recours aux soins, il apparaît important de repérer et d’évaluer ces phénomènes en pratique clinique pour réduire l’impact des stéréotypes négatifs sur la vie de la personne directement concernée.
Il est possible d’avoir recours à des modules simples ayant pour finalité un impact positif sur l’estime de soi, la confiance en soi et qui permettent bien souvent d’améliorer l’efficience globale de la prise en charge thérapeutique des personnes ayant une affection psychiatrique. De fait, réduire la stigmatisation et l’auto stigmatisation permet d’améliorer la qualité de vie et d’accroître l’accès au rétablissement.
Sommaire
En résumé
Pour en savoir plus
La stigmatisation dans le champ de la psychiatrie et de la santé mentale repose, à la fois, sur la méconnaissance, l'ignorance des principaux aspects des maladies psychiques et sur une forme de construction sociale au sujet des troubles psychiques qui prend appui sur l'identification, chez une personne, d'une marque distinctive à laquelle est attribué un caractère socialement honteux, en même temps qu'elle confère à la personne une identité sociale...
Date de modification : 14 octobre 2024