Comment réduire la stigmatisation ?

La lutte contre la stigmatisation a donné lieu à des expériences, les plus diverses, dans de nombreux pays en Europe, en Amérique du Nord mais aussi en Asie du Sud-ouest ou encore en Afrique.

En France les travaux de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations), les campagnes de l’INPES et plus récemment les semaines d’information sur la santé mentale (SISM) mobilisent de nombreux acteurs pour tenter de changer le regard du grand public sur les maladies mentales et les malades mentaux.

Les campagnes destinées au grand public

Les stratégies peuvent être distinguées selon 3 types de campagnes :

  • les campagnes de protestation qui visent à rompre avec les comportements de rejet et d’exclusion en contestant les images négatives associées aux maladies psychiques. Il s’agit, le plus souvent, d’organisme de veille en charge de s’élever contre tout propos discriminants. Citons en exemple le programme BASTA ( Bavarian Anti Stigma Action) en Allemagne qui exerce une fonction de surveillance des messages diffusés au grand public, qui stoppe les communications à fortes charges discriminantes et qui constitue, de fait une instance de contrôle médiatique. Les limites de ce type d’organisation semblent être leur inefficacité à promouvoir des attitudes positives à l’égard des malades mentaux.
  • Des campagnes de sensibilisation et d’éducation à la santé

Ce type de campagne vise à délivrer de l’information contradictoire à destination de publics divers (scolaires, étudiants, professionnels de santé, justice, police, usagers, aidants, médias…)

Conçues comme des campagnes de « marketing social », elles ont été développées dans des domaines diversifiées (SIDA, tabac, dépistage de cancer…) et s’appuient, habituellement, sur des enquêtes préalables (enquêtes téléphoniques, avis de « leaders d’opinions ») avec une préférence pour des messages s’adressant à un public cible bien identifié. Les segments populationnels les plus fréquemment ciblé sont : ceux qui ont l’autorité (élus, autorités morales et religieuses), ceux qui protègent (forces de l’ordre, pompiers, soignants, services sociaux), ceux qui savent ou qui informent (journalistes, enseignants), ceux qu’on aime et qui nous touchent (artistes, enfants), ceux qui sont victimes (les malades et leur famille).

Ces campagnes ont recours à des registres de communication variés :

  • Les campagnes de solidarité qui cherchent à susciter un élan de générosité envers les personnes souffrant d’un trouble psychique (sur le modèle du Téléthon ou du Sidaction). Elles visent à changer de regard et de comportement envers les malades en dénonçant les discriminations dont ces personnes sont victimes et en sollicitant une attitude solidaire.
  • Les campagnes de révélation et de diffusion de solutions qui consistent à informer le grand public sur les réponses médicales disponibles, leurs pertinences, leurs efficacités, leurs accessibilités afin de rappeler que des possibilités d’aide diversifiées existent. Le message délivré est qu’il existe pour les maladies psychiques, comme pour les autres maladies, des traitements et des moyens de soulager la souffrance.
  • Les campagnes de témoignageslors desquelles des personnes directement concernées par la maladie psychique se font entendre pour témoigner de leur parcours de vie et de leur savoir expérientiel. Elles apportent un message d’encouragement, un message positif, d’espoir. Il s’agit de surmonter un tabou et de montrer que l’on peut parler de sa maladie « au grand jour » tout en revendiquant le respect de sa dignité sur le modèle de la campagne : « les héros ordinaires » dans le domaine du cancer.
  • Les campagnes pédagogiquesqui visent informer le grand public au sujet de différents aspects insuffisamment connus des maladies tels que les différents types de troubles, leur prévalence, les modalités évolutives possibles les connaissances étiopathogéniques de ces affections, les facteurs de risque identifiés, etc…)
  • Enfin les campagnes de contact dont l’objectif est d’amener à une meilleure connaissance et une plus grande familiarité avec des personnes malades. Discussions et échanges entre malades et grand public. Participation à des activités communes (sportives, artistiques, loisirs, etc…)

Ce type de campagne semble le plus à même de favoriser un changement de regard et d’attitudes vis-à-vis des personnes concernées par la maladie mentale.

Couplée à la dimension éducationnelle, cette stratégie se révèle le plus efficace moyen de lutte contre la stigmatisation et la discrimination tout en augmentant les attitudes positives envers les personnes malades.

Le rôle des médias

Pour le grand public, les médias sont la source d’information sur la santé mentale la plus importante.

En effet, malgré la fréquence relativement élevée des maladies psychiques, le grand public ne les découvre le plus souvent que dans la presse lorsque celle-ci se fait l’écho d’un fait divers impliquant une personne ayant des troubles psychiques.

En termes de conséquences, on observe que les médias ont de tout temps eu tendance à reproduire et à renforcer les attitudes sociales négatives envers les personnes souffrant de troubles mentaux graves.

Se développe ainsi un processus circulaire ou les opinions de la société et les messages délivrés par les médias se confortent à l’infini.

Régulièrement, les professionnels de la santé mentale s’insurgent contre le traitement médiatique des événements affectant le champ de la psychiatrie. Ils se sentent volontiers victimes des opinions exprimées. Mais toutefois, arguant de leur obligation de respect du secret professionnel, il continue à se muer dans le silence.

Il apparaît que les professionnels pourraient agir différemment et notamment aider les médias à adresser d’autres messages et à donner d’autres informations au grand public.

Ainsi, les médias peuvent jouer un rôle important dans la lutte contre la stigmatisation en délivrant des informations de nature à changer les idées reçues.

Alors comment informer sans stigmatiser ? Parler des troubles psychiques dans les médias est un exercice complexe qui justifie une réflexion préalable afin d’éviter les contenus et les images problématiques.

Dans le cadre des travaux menés par le groupe de réflexions « lutte contre la stigmatisation » du conseil local de santé mentale de la ville de Nice, une action a été engagée en direction des médias :

  • un sous-groupe se consacre à l’élaboration d’outils et à la création de contenus susceptibles d’apporter une information fiable et non stigmatisante à destination du public.
  • un sous-groupe est engagé dans la mise en place d’actions de « formation/sensibilisation » en direction des professionnels des médias (journalistes de la presse écrite, de la radio, de la télévision mais aussi les acteurs des réseaux sociaux, les influenceurs, youtubeurs etc.…).

Pour ce groupe, la première action envisagée s’adresse aux étudiants journalistes. Il s’agit de sensibiliser ces derniers aux questions de santé mentale, de favoriser la prise de conscience dans ce domaine (« nous avons tous une santé mentale. Elle évolue tout au long de notre vie y compris pour les personnes touchées par les troubles », « il n’y a pas de santé sans santé mentale », « la santé mentale c’est l’affaire de tous » ...), de dédramatiser le monde de la psychiatrie et de donner une vision plus positive de la santé mentale en soulignant le caractère essentiel de l’espoir, du soutien social, de la possibilité de rétablissement, de la place accordée à l’autodétermination.

Dans le cadre de ce projet, une rencontre a été sollicitée auprès de l’école de journalisme de Nice. (En France, il existe une centaine de formations de journalistes, mais seulement 14 écoles reconnues par la convention collective et seuls ¼ des nouveaux journalistes sortent d’une école reconnue).

L’objectif de cette démarche n’est pas de former des journalistes spécialisés en santé mentale mais de développer chez les futurs journalistes un autre regard sur la santé mentale en insistant prioritairement sur la déstigmatisation.

Nous concevons, par exemple, une réflexion sur la construction du discours journalistique, un guide de style, le contact privilégié avec des personnes ressources, des experts confirmés en fonction des problématiques etc…

Médiateurs de santé-pairs et déstigmatisation

Le projet d'intégration de Médiateurs de Santé-Pairs (MSP) dans les services de psychiatrie comportait dès l'origine une volonté de lutter contre la stigmatisation et la discrimination des personnes ayant des troubles psychiques.

La présence d'usagers (ou d'ex-usagers) au sein des équipes de santé mentale semblait, en effet, de nature à remettre en cause certaines idées reçues, certains stéréotypes, selon lesquels ces personnes seraient inaptes à toute activité, tributaires de traitements pharmacologiques lourds, rendant impossible leur participation à une vie professionnelle, voire sociale.

De nombreuses études confirment que ces préjugés sont extrêmement fréquents chez les différents acteurs du système de santé : soignants, équipes médico-sociales, administratifs, etc.

Cette vision péjorative du malade est également fréquemment partagée par les malades eux-mêmes qui internalisent et s’applique à eux-mêmes ces stéréotypes négatifs (phénomènes d'auto stigmatisation).
Pour les professionnels, le contact quotidien avec des MSP a amené, le plus souvent, à infléchir cette perception et à modifier le regard porté sur les usagers de la psychiatrie.

Plus largement, l’expérimentation de ce nouveau métier a présenté de nombreux intérêts pour les différents protagonistes concernés :

  • en premier lieu, les usagers des services de soins ont pu trouver chez le MSP une personne apte à comprendre leur vécu et à partager leurs expériences.

Par son parcours singulier, le MSP a pu éveiller chez les patients l'espoir du rétablissement et réduire les sentiments de peur et d'auto stigmatisation …

Pour les membres des équipes de soins, l’intégration de MSP a pu permettre de maintenir dans l’esprit de chacun, et dans de nombreuses situations, le point de vue de l’usager et de rappeler ses aptitudes, ses capacités, ses compétences trop souvent méconnues ou niées, avec pour effet de réduire la stigmatisation qui se manifeste au plan institutionnel (stigmatisation structurelle).

Enfin, par la reconnaissance d’un « savoir expérientiel », complémentaire d’un savoir académique, et par l’exercice de leurs fonctions spécifiques, les MSP confirment la possibilité d’un rétablissement du malade psychique avec une remise en question des stéréotypes péjoratifs habituellement associés à ces personnes.

Ainsi la mise en place de MSP dans les institutions soignantes s’est révélée être un levier puissant de lutte contre la stigmatisation : au niveau institutionnel, auprès des professionnels de santé, auprès des usagers qui ont pu bénéficier de leurs interventions (réduction de l’auto stigmatisation), auprès des familles lorsque le MSP a été amené à participer à des actions spécifiques qui leur étaient destinées soient individuellement, soit collectivement (contribution a des modules de psychoéducation familiale).

Date de modification : 1 juillet 2024

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