Santé mentale

La culpabilité - n° 287 - Avril 2024

Sommaire n° 287 - Avril 2024 

La culpabilité

Acquise au cours du développement, la culpabilité est une émotion fondamentalement utile aux interactions, aux habiletés en société et plus largement à la régulation individuelle et sociale. Elle oscille cependant entre cet impact bénéfique et un poids psychologique. Les soignants doivent distinguer ce qui relève d’une culpabilité passagère, adaptée et utile ou d’un sentiment délétère. En effet, lorsqu’elle s’installe de façon prolongée et sans raison apparente, elle peut engendrer un mal-être diffus, précurseur de troubles mentaux plus graves. (Résumé éditeur)

Article « Ce jour où je vous ai attaché… »

Auteur(s) : Geneviève HENAULT, Psychiatre

Nbre de pages : 4

Face à un patient en crise psychique, pas simple pour le psychiatre de prendre la décision de médiquer, attacher, isoler… Il est alors pris dans une impasse, avec des sentiments violents, entre peur, gêne, honte, culpabilité… Témoignage.

Je ne vous avais jamais vu avant. Vous étiez hospitalisé depuis quelques jours, sans doute. Je ne me souviens plus bien. Après tout, je ne vous ai vu que deux fois.

Partie 1 : Décontention

Vous étiez enfermé en chambre de soins intensifs. C’est comme cela qu’on appelle maintenant les chambres d’isolement. Pour cacher un peu, par un autre mot, ce qui nous fait tous un peu (beaucoup) honte. Et même, on acronymise en « CSI », comme ça il n’y a même plus de mot. Intensive, la solitude l’est dans cette pièce à isoler ; l’angoisse aussi. Une chambre d’isolement intensif, plutôt. Vous étiez très angoissé : par les idées qui envahissaient votre pensée, des idées folles, de grandeur et de persécution. Vous étiez assailli d’idées délirantes qui vous coupaient en partie de la réalité, de celle que l’on partageait « nous autres » : les soignants.

Lorsque je suis entrée dans cette pièce qui vous maintenait à l’écart du monde, j’ai immédiatement retrouvé l’ambiance de « l’iso » : un épais matelas bleu posé au sol, une gourde molle perchée sur le rebord de fenêtre, des murs peints en blanc, une horloge digitale fixée au-dessus de la porte. Rien de plus. Je n’ai pas vu tout de suite que vous étiez attaché ; les sangles étaient comme pudiquement dissimulées par la couverture. Mais non, c’est parce qu’il faisait si froid. Les infirmiers m’avaient un peu briefée avant. Très vite, quelques mots de votre arrivée : psychose, épisode délirant, hallucinations, agitation, sous-sédation, agressivité, risque de fugue. L’équipe soignante s’accordait à dire que vous étiez apaisé.

Date de modification : 15 mai 2024

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